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Chronique cinéma
septembre 2013

 par Lucie Poirier, journaliste-analyste

Analyse de Les 4 soldats et Vic + Flo ont vu un ours. Plusieurs films sont en préparation et Paradis perdus est dans la section en souvenir

EN ANALYSE

Les 4 soldats

Le réalisateur Robert Morin ouvre son film Les 4 soldats avec une scène dans un ciné-parc. D'emblée, il confère un rapport avec la possibilité de la représentation, il marque un lien avec la notion même de temporalité et, dans une narration à la première personne il investit l'importance de l'expression subjective.

Le ciné-parc est un lieu déserté, en plein hiver, soudain envahi par une milice alors que Dominique nous raconte : « La guerre a commencé quand il restait juste quelques riches et que tous les autres étaient pauvres. L'armée était du côté des riches. La guerre était devenue une habitude ordinaire ».

Dominique est à peine sortie de l'enfance. Elle a perdu ses parents et se cherche une famille qu'elle fondera avec Matéo qui « était tout ce que je ne suis pas », Big Max, un costaud sans grandes habiletés intellectuelles, et Kevin, un jeune qui parle peu mais s'intègre à l'ensemble. Dom peut dire : « Pour la première fois j'avais peur mais pas juste pour moi ».

La narration de Dominique est très intéressante car elle est en voix-off, on l'entend sans la voir, ce qui induit un autre référent temporel, un futur lors duquel elle revient sur les faits en confiant ses réflexions. Or, cette narration est aussi directe, au moment même de l'action alors qu'elle parle en regardant la caméra faisant de nous les destinataires de ses confidences. C'est un procédé intelligent qui intervient rarement alors qu'il permet une interpellation évidente du spectateur et une admission du contexte : il s'agit d'un film, c'est du cinéma, ce qui s'accorde avec l'image d'ouverture dans le ciné-parc.

Robert Morin atteint un lyrisme pertinent, plausible, justifié comme l'appel d'une douceur, d'une beauté, d'une nature dans ce monde dévasté, pénible, apeurant. Dans un champ de maïs le bataillon avance, la musique de Patrick Watson confirme le lyrisme de la scène. « Ça sent. Ça sent quoi? Ça sent l'eau ».

 

 

 

BANDES ANNONCES

FILMS RÉFÉRÉS AU COURS DE LA CHRONIQUE :

  • Les 4 soldat s Robert Morin, 2013
  • Vic + Flo ont vu un ours Denis Côté, 2013
  • L'eau chaude, l'eau frette André Forcier, 1976
  • Alone with Mr Carter Jean-Pierre Bergeron, 2012
  • La cicatrice Jimmy Larouche, 2013
  • Filmstripe John Blouin, 2012
  • Pina Wim Wenders, 2011
  • Arme à quatre roues Marie Nadeau, 2012
  • Paradis perdu Abel Gance, 1940

 

Les quatre soldats ont découvert un étang. Un havre de paix. « J'ai remercié l'étang d'être apparu devant nous ». Cet étang devient leur secret. La réponse à leur besoin d'être encore humain, d'être encore en paix. La situation favorise encore un traitement lyrique : le groupe regarde l'étang, sans mouvement, sans action, simple contemplation.

Puis, comme les trois mousquetaires qui étaient quatre, les quatre soldats devinrent cinq : Gabriel, l'enfant qui écrit, les rejoint. Là, à nouveau, l'importance d'une narration des faits et des sentiments est convoquée. Dom gardera le carnet de Gabriel et nous fera découvrir ce qu'il a tracé pour mieux insister sur le besoin vital, viscéral, de posséder un matériau d'expression, qu'il soit l'écriture ou le tournage, que la forme de langage soit ou non maîtrisée.

Mais, la guerre c'est la mort. Matéo qui faisait le cauchemar d'être tué par Kevin doit achever Kevin blessé. « Il fallait écrire notre histoire avant qu'elle existe plus » Les connotations politiques de Morin sont transmises à travers cette déclaration.

Le scénario a été adapté du roman d'Hubert Mingarelli, prix Médicis 2003. Robert Morin à travers le besoin d'une famille, la perspective de l'éradication des pauvres par la violence, la stylisation narrative avec le plan séquence et les voix on et off nous offre un film sur l'impact des conditions de vie, quand le danger contraste avec une vie intérieure qui peut receler de vastes et profonds aspects.

De l'ordinaire tuerie généralisée reste l'image de cinq êtres concentrés sur l'ample bienfait d'un petit étang.

Vic + Flo ont vu un ours

Le réalisateur Denis Côté procède par ruptures de ton, de rythme, d'ambiance. La scène d'ouverture avec une caméra fixe dans Vic + Flo ont vu un ours est suivie d'un traveling accompagnant une femme sur une route et d'un panoramique dans la forêt.

Pierrette Robitaille dans ce film bénéficie d'un rôle qui lui donne l'occasion d'exceller. Après plusieurs comédies, elle incarne un personnage tragique. Elle est magnifique, inattendue, extraordinaire. Victoria, 61 ans, a écopé d'une condamnation à perpétuité mais peut aller dans la cabane à sucre désaffectée de sa famille pour tenter de se faire une vie à l'extérieur. Elle est rejointe par Florence, ex-détenue, à qui elle avoue : « J'ai tellement pleuré à t'attendre ».

La dureté des relations entre les gens contraste avec la beauté de Victoria dans la scène du hamac alors que son visage est lumineux d'une grâce indicible. Car, de nombreux personnages gravitent autour de ces deux femmes dans la forêt : Guillaume, l'agent de libération conditionnelle, le seul qui sera atteint par le sort des deux femmes qu'il a connues peu à peu, Jackie, Émile le vieil oncle et Charlot qui en prend soin depuis deux ans, le frère de Vic et sa Cynthia, le père de Charlot, l'amant d'une nuit et sa conjointe en bikini.

La musique, évoquant le tambour tribal, confère un climat de danger redoutable. Un drame se prépare car une femme aime une femme qui n'est venue vers elle que pour se cacher d'une autre.

Le signe de l'addition (+) correspond bien à cette histoire de femmes; elles sont capables d'agir pour le meilleur comme le pire, avec un plus. Au contraire de l'homme, la femme peut engendrer la vie; mais comme lui, elle peut donner la mort. Quand l'homme est haineux, il prouve sa médiocrité; quand la femme est haineuse, elle prouve sa perfidie. Elle transcende tous les paroxysmes. Et Denis Côté nous le démontre avec ses personnages féminins. Il a réuni deux femmes très différentes, Vic, la romantique « J'peux faire des folies pour te garder », et Jackie, la cruelle « du monde dégueulasse comme moi ça existe pas », autour de Flo, la « baveuse, tellement bandante ».

Vic est amoureuse : « Florence, j'veux te garder avec moi. Si tu pars, j'me tue ». Cette histoire d'amour absolu est élaborée avec les images elliptiques de Denis Coté qui place le spectateur dans un mystère angoissant. Vic est d'abord filmée de dos quand elle pleure, les deux femmes dialoguent sous une couverture, on ne les voit pas durant la scène des retrouvailles, on les entend, le père de Charlot parle sans qu'on voit son visage, on ne distingue que son torse par la fenêtre, Vic et Flo réagissent à ce qu'elles voient sans que le spectateur sache ce qu'elles voient dans la forêt, elles crient et elles sont hors cadre.

On doit à Denis Coté d'avoir créé des personnages de femmes rarement représentées dans un portrait, loin des clichés, qui émeut autant qu'il apeure. Plus, on lui doit d'avoir transmis cette histoire avec une façon de filmer qui renforce l'originalité de son sujet. Les surprises se succèdent, les rebondissements sont saisissants; l'impact est foudroyant. On ne peut ressortir indemne de Vic + Flo ont vu un ours parce que Denis Côté affirme son cinéma avec la conviction qu'un film a ce pouvoir, celui de transformer qui le regarde.

EN PRÉPARATION

Le temps de donner quelques ordres aux troupes, Jean-Pierre Bergeron traverse le film Les 4 soldats. Les années passent mais il garde la prestance de son personnage Le Baron dans la série Avec le temps. Il a confirmé son talent d'acteur dans la « fameuse scène », un passage qui unissait désir sexuel et amour impossible, dans le film L'eau chaude, l'eau frette (André Forcier, 1976). Il a affirmé son talent de réalisateur dans son court métrage Alone with Mr Carter voir ma chronique de mars 2012. Cet été, il a participé au film Le relampeur de Martin Talbot. Il continue la préparation de son premier long métrage Hitchhiking in the Dark.

Jimmy Larouche est allé en France au festival « Off-court de Trouville » dans la section « du court au long ». Il a présenté une rétrospective de ses courts-métrages et La cicatrice , film magnifique aux scènes pertinentes dans la nuance et le choc. Voir ma chronique de mai 2013. Le réalisateur almatois travaille à son prochain film Antoine et Marie.

Après un scénario écrit intensément en 10 jours, il a prévu le tournage entre le 23 août et le 3 septembre avec Martine Francke et Sébastien Ricard. Pour lui, tourner au Saguenay Lac-St-Jean, principalement à Alma, pourrait contribuer à contrer l'exode des jeunes artistes.

À nouveau, il a choisi de développer un sujet dont la gravité est occultée. Après avoir mis en évidence la tragédie du harcèlement à travers un personnage traumatisé pour toujours, Larouche, dans Antoine et Marie, a le courage de parler de viol.

Dans ce qu'il résume par le syntagme « drame des apparences », il se base sur le fait que 85% des femmes victimes d'agressions sexuelles ne dénonceront jamais leur agresseur; pourcentage qui augmente avec l'utilisation des drogues du viol.

C'est en s'interrogeant lui-même, en voulant comprendre, qu'il interpelle les gens : « Tout comme pour La Cicatrice, je souhaite ouvrir une discussion avec Antoine et Marie. C'est important pour moi que les gens qui auront vu le film, réfléchissent aux répercussions d'une agression sexuelle chez la victime mais aussi sur les raisons de pareils évènements dans une société. Que le public se questionne et réalise à quels points nos agissements, à tous, peuvent avoir un impact sur ce problème de société. Car le regard des autres, leurs jugements, ont un impact immense sur la façon dont les victimes d'agression sexuelles se perçoivent. »

Jimmy Larouche avec Antoine et Marie élabore un projet déterminé par de nobles et rares intentions.

C'est aussi avec un but de conscientisation que John Blouin a travaillé à son film El paysan. Tout en continuant à préparer Gate, la dernière partie de la trilogie dont Filmstripe est le deuxième volet. Voir ma chronique, il a terminé son court métrage El paysan sur un agriculteur qui doit liquider sa terre. Il s'est concentré sur « les hiatus intérieurs plus importants, plus cohérents, offrant une force supérieure à un poing levé. Je l'ai tourné presque seul, ce qui m'a donné une grande intimité avec le personnage ».

El paysan ouvre avec une arme à feu et la déclaration : « partir sur la banquise pi je reviendrai plus ». Jean-Marc Bélanger, 44 ans, a fait le tour du monde, est allé dans 24 pays et s'apprête à déménager avec sa femme et sa fillette, il a mis sa terre agraire à vendre.

À ce début, mis en scène, succèdent des images tournées en cinéma direct. Les voix hors cadre sont entendues. Le cultivateur se souvient de son père qui lui a dit : « J'écoute le basilic poussé dans ton champs ».

La scène de l'homme dans le champ instille le lyrisme exprimant la force de l'amour pour la terre agraire. Être cultivateur, c'est plus qu'une source de revenus, c'est une façon d'aimer la nature, d'assurer une continuité, de protéger l'humain en prenant le temps de faire ce qu'il faut pour le nourrir. Hélas, faire de l'argent à partir des besoins de base écrase le fait de se dédier à des gestes patients, attentifs et nourriciers. Le fermier ne peut survivre parallèlement à la puissance des multinationales agro-alimentaires.

Après une dernière promenade dans la grange avec sa gamine et la découverte d'un symbolique oiseau mort de stress, l'inexorable départ a lieu. Entre colère et douleur.

Wim Wenders a tourné Pina en 3D (voir ma chronique de décembre 2011). Cet été, il a entrepris de tourner Everything will be fine à Montréal (Québec, Canada) avec Marie-Josée Croze et James Franco et ce, à nouveau en 3D.

Le norvégien Bjorn Olaf Johannessen en a signé le scénario original dans lequel un écrivain perd le contrôle de sa vie après un accident de voiture dont il n'était pas directement responsable. Pendant 12 ans, il recherchera le pardon. Il s'agit là d'un sujet original en ces temps où les pires criminels ont plus de fans que de remords. D'ailleurs, le documentaire Arme à quatre roues (Marie Nadeau, 2012) relatait que les crimes de la route s'élèvent à 38 par jour et que 14 000 personnes sont condamnées chaque année sans que les conséquences de leurs actes puissent dissuader les récidivistes.

Wenders s'intéresse au parcours intérieur de son personnage dont il veut témoigner avec la 3D : «  Everything will be fine est un drame intimiste qui raconte l'histoire d'un homme qui voit le monde à travers des yeux différents après avoir subi un choc traumatique. Il doit apprendre à accepter ce qu'il ne peut plus changer. Nous entrons dans un nouveau territoire narratif avec ce projet. Je suis convaincu que le support de la 3D permettra d'ouvrir une tout nouvelle dimension de proximité affective avec notre histoire ».

EN SOUVENIR

Votre été a-t-il été à l'instar de celui de Gabrielle Roy qui a signé : Cet été qui chantait? Au Québec (Canada), notre trop brève « belle saison » a été ponctuée par des extrêmes :

canicule, inondation, déraillement ferroviaire, coupure de poste, effondrement de rue, fermeture d'entreprise, aggravation de la pauvreté, augmentation du nombre d'itinérants… »y'en aura pas de facile ».

Peut-être, pourriez-vous considérer, comme Gabrielle Roy, qu'entre « l'attente cruelle et cet instant radieux d'aujourd'hui… qui sait si ce n'était pas l'instant radieux qui l'emportait ».

Ce moment précieux de bonheur de vivre est exprimé aussi avec une exhortation à l'amour dans la chanson thème du film d'Abel Gance, Paradis perdu. Micheline Presle interprétant deux rôles chante deux fois les paroles de Roger Fernay. En vous souhaitant que l'automne et toutes les autres saisons qui vont suivre gardent au quotidien une source d'appréciation, une découverte ou un souvenir qui trace un sourire sur votre visage, qui grandit un sourire en vous; puissiez-vous ressentir la joie, neuve ou renouveler, de constater que « Tout chante chaque amour est un retour au paradis perdu. »