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Libre Chapitre 3
La crise

 

par Josée Papineau  

- Comment ai-je pu en arriver là, encore une fois? se demandait White.

Elle avait l'impression de faire le même rituel de lamentation depuis trop longtemps et son corps n'en pouvait plus de supporter toute cette peine. Elle ne se reconnaissait plus, rongée par la honte d'être devenue un fardeau inutile. Un monstre de souffrances silencieuses la rongeant jusqu'à en avaler son identité.

Elle avait l'impression d'être le fantôme de cette grande maison sans âme et sans joies,  vide de ses rêves perdus. Des fenêtres, d'où qu'elle puisse être, le monde extérieur lui semblait hors du temps et presque irréel.

Lorsque les enfants quittent pour l'école, la maison se meurt, n'ayant plus d'écho à faire parvenir jusqu'à ses oreilles. Seulement le vide du silence qu'elle redoute, triste réalité d'avoir échoué et preuve de la solitude qui habite son existence en ces lieux. Il lui est de plus en plus difficile de faire taire ses voix, seuls éléments donnant répliques à ses pensées et ses doutes.

- Qui voudrait bien m'écouter?

** Sûrement pas les voisins qui te sont encore étrangers et que Tom t'interdit de rencontrer.

- Il a certainement peur que je leur dévoile une infime partie des tourments du 1070, soupira-t-elle.

** Non plus ses amis que tu as rencontrés au début de l'été.

Ceux qu'il connaît depuis des années et qui ne comprendraient pas qu'elle discute avec eux de leurs problèmes conjugaux. Avec eux, tout devait sembler impeccable pour la réputation de Monsieur.

** Tes parents alors?

- Sûrement pas.

White ne le pouvait pas… pas encore une fois. Elle ne pouvait se résigner à leur faire part de la situation, leur donnant ainsi la satisfaction d'entendre qu'elle s'était  trompée ou qu'elle aurait dû suivre leurs conseils et ainsi, leur permettre de régenter sa vie, le temps qu'elle retrouve ses ailes.

** Je suis certaine qu'ils comprendraient.

- Tu ne crois pas que cela suffit de toujours me retrouver chez papa et maman lorsque ça ne va pas?

* À qui la faute, hein?

** Laisse Whitie tranquille, toi. Elle a besoin de tranquillité.

* Et moi, vous pourriez me laisser tranquille avec vos bavardages de gonzèses éplorées?

- On ne t'a rien demandé et si tu veux la paix, tu sais ce que tu as à faire.

* Ouais, ouais… de l'air, je sais.

** Alors Whitie, pourquoi ne décroches-tu pas le téléphone pour discuter avec ton père?

- Je ne le peux pas, c'est tout.

** Et pourquoi cela?

- Ils vont me critiquer, me dire quoi  faire, me faire des remontrances…

** Arrête Whitie… ils ne veulent que ton bien et que je sache, ce sont des gens très bien.

- Je sais, je sais… Raison de plus pour leur foutre la paix avec mes problèmes et tu sais quoi? J'en ai marre de raconter à tout le monde que je me suis trompée.

** Tu es sévère avec toi-même douce Whitie.

- Non… il est temps de faire une vraie femme de moi.

** Et que compte-tu faire pour devenir une vraie femme, comme tu dis?

- Pour l'instant, je n'en ai aucune idée… tout semble si compliqué.

Depuis la fin de l'été, Tom ne faisait que de petits passages éclairs pour prendre des vêtements et repartait travailler dans d'autres villes, où il était appelé afin de représenter la compagnie.

- Je sais que je dois partir encore une fois. Tout va de travers et c'est ma faute.

* Non, c'est la sienne… c'est lui le maniganceux et le menteur!

- Si seulement j'étais certaine que tu aies raison!

Parfois, il lui arrivait d'avoir l'impression d'être, elle aussi, devenue un monstre lançant des méchancetés, chiâlant pour un rien et doutant de tout, même lorsqu'il n'y avait pas matière à douter.

L'habitude, sans doute.

Pour la deuxième fois, elle avait pris la décision de déménager avec ses enfants dans la province de Tom, pour être avec lui. Dans sa province à lui, afin qu'il soit près de ses enfants chéris à lui. Décidé de déménager encore et ainsi bouleverser la vie des siens pour vivre avec cet homme, croyant que cette fois-ci serait la bonne, que leur amour serait plus fort que tout.

Ici non plus, il n'y avait pas de travail pour elle ni d'amis, et encore moins pour ses enfants.

 

- J'ai tout essayé!, dit-elle, baissant les épaules, lasse.

Impossible de trouver du boulot et les gens lui semblaient même, aucunement vouloir démontrer un minimum de politesse pour discuter en français avec ses enfants qui eux, faisaient des efforts afin de s'en faire comprendre.

- Ils sont tout petits, voyons! laissa-t-elle échapper.

Depuis que Tom avait perdu sa cause afin d'obtenir la garde de ses enfants, il lui faisait des cachettes. Il voyait sa femme, celle qu'il avait voulu faire passer pour folle et inapte à s'occuper des trois petits.

** Si tu n'y prends pas garde, tu risques de perdre la raison encore une fois.

- Je ne sais plus que croire, dit White, tourmentée. Je n'ai pas été stupide au point de suivre un homme qui m'a menti! Il y a sûrement une explication, voulut-elle se convaincre.

White avait déménagé en vitesse, laissant boulot et amis en croyant qu'il avait besoin de son aide et qu'il l'aimait. Il avait acheté cette maison pour elle, qu'il disait.

- Il n'a pas pu faire tout cela seulement dans le but de gagner contre sa femme ou pour la punir de ne pas être assez forte!

* Et qui te dit qu'il n'a pas fait tout cela et n'avait besoin que d'une autre femme pour s'occuper de ses enfants pendant ses absences? Et toi, stupide et naïve comme tu es, tu es tombée dans le panneau, hein!

- Ne dis pas cela… Tom m'aime mais pour une raison que j'ignore, il…

* Foutaises, espèce de tête de linotte! Ne comprends-tu pas que c'est lorsqu'il a eu la confirmation que ses enfants ne vivraient pas avec lui en permanence, que tout a changé!

** Cesse de la tourmenter…

* Tu sais que j'ai raison alors ferme-là, minus de bonne conscience! Toi aussi, depuis des semaines, tu as commencé à percer ses petits jeux égoïstes!

** Nous ne sommes pas là pour juger, laisse-là tranquille, elle peut bien penser à tout cela par elle-même.

* Mais de quoi tu parles! Tom la repousse, il l'ignore et en plus, il ne fait que jouer avec elles!

- Pour une rare fois, je te donne raison. On dirait que nous sommes deux femmes prises dans ses toiles de mensonges empoisonnés. Des toiles de folie, ajouta-t-elle avec tristesse.

- Tant de manigances! Pourquoi n'ai-je pas compris, avant?

* Ouais… tu as passé trois longues années de tourments, de peine et de désaccords avec ta famille pour un homme comme ça.

- Pourquoi n'ai-je pas compris auparavant les vrais desseins de Tom? J'étais si forte avant lui.

Elle aurait voulu plus que tout s'en aller loin d'ici, mais n'en avait pas la force ni les ressources. Il lui sembla avoir perdu sa fierté, elle qui depuis quelques années ne baissait plus les bras. Cette fois-ci, elle aurait tant voulu demander de l'aide mais la honte du jugement lui scellait les lèvres.

- Que vais-je faire maintenant? Où vais-je aller? dit-elle tout haut. Quelle vie vais-je offrir à mes enfants?

* Lorsque les enfants reviennent de l'école, tu feins de vaquer à tes occupations, tu tentes de donner l'impression que vous menez une vie normale.

- Je sais mais que puis-je faire d'autre?

* Ne te rends-tu donc pas compte qu'obstinément, il se troue constamment quelque chose pour vous rappeler que votre peine empeste l'atmosphère, que la tension dans cette maison devient de plus en plus lourde à supporter pour tout le monde!

** C'est vrai White… tes enfants ne sourient plus, on dirait qu'ils cherchent sans cesse à tester tes limites de patience qui te font de plus en plus défaut et cela te projette vers un monde de crises de larmes silencieuses mais.. ils ne sont pas dupes. Ils savent que tu pleures souvent.

- Vous savez… lorsque je les regarde, un mal profond me serre la poitrine et la culpabilité d'avoir perdu leur confiance me ronge à petit feu.

Les voix ne semblèrent n'avoir rien à ajouter et White accueilli ce moment de silence avec reconnaissance. Elle regarda autour d'elle et respira longuement.

- Comment donner l'espoir à mes enfants que la vie ici deviendra douce, que leur vie sera peuplée des rires et des jeux qu'ils auront avec leurs nouveaux amis qu'ils se feront avec le temps? Comment les faire sourire en leur affirmant qu'ils finiront par aimer cet endroit isolé des quartiers francophones?

* Tu n'y crois même pas toi-même!

Lorsque tout le monde allait au lit, elle pouvait enfin se défaire de son armure et laisser couler ses larmes. Tous les matins, au réveil, elle essaie encore de se dire que les choses vont s'arranger et qu'ils ne sont pas venus ici en vain.

* Crois-tu réellement que Tom va se réveiller et courir vers toi comme il le faisait autrefois?

- …

Que pouvait-elle répondre à cette question? Tous les soirs, lorsqu'elle tente de le joindre au téléphone avant d'aller au lit afin de lui souhaiter bonne nuit, il s'obstine à ne pas lui répondre et ce sont ses larmes qui l'accompagnent jusqu'au moment de sombrer d'anéantissement dans le sommeil.

Josée Papineau
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