| Lotte Köhler s'est entretenue avec la réalisatrice. La correspondance entre Hannah et Mary a été publiée. Steven Spielberg a aussi fourni des archives. Son mari Heinrich Blücher avait accompagné Rosa Luxembourg jusqu'à la fin. Tous ces aspects ont influencé le scénario que la réalisatrice a développé pendant 4 ans avec Pamela Katz pour tracer d'elle un portrait plus global tout en concentrant le déroulement sur l'histoire d'Hannah et ses écrits liés au procès d'Eichmann. Ce début du film nous montre donc la femme dans sa dimension amicale et amoureuse. Elle a aimé Martin Heidegger qui déclare dans le film « Penser est une occupation solitaire » et elle a toujours conservé dans sa table de nuit les lettres qu'ils ont échangées. Elle vit depuis 10 ans aux États-Unis avec Heinrich Blücher qui partagera sa vie pendant 34 ans. 1961, dans une reconstitution exacte de son appartement, Hannah téléphone à William Shawn, directeur du New Yorker, pour demander à couvrir le procès d'Adolf Eichmann, tenu responsable de la déportation de millions de juifs. Dans le film, les images tournées à l'époque par Leo Hurwitz dans la salle d'audience sont intégrées à une scène montrant Hannah dans la salle de presse. Elle recevra ensuite la transcription du procès, des milliers de pages qui s'accumuleront dans son bureau. Elle publiera 5 articles et un livre, en 1963, dans lesquels elle développera son essai sur la banalité du mal. Pendant qu'Eichmann était dans une cage de verre, Hausner a ouvert le procès avec un discours théâtral. Déjà, Hannah déplore le spectacle que devient l'affaire et se demande si Hausner peut « convaincre les jeunes de la souffrance de leurs parents ». La dualité devoir et conscience peut comporter un développement conflictuel. « Je n'ai pas tué tous les juifs » déclare Eichmann pendant qu'Hannah remarque : « Il n'a fait qu'obéir à la loi ». Le danger des sociétés où les gens sont superflus mène à l'éradication des humains de façon légale. « Pas besoin d'être intelligent ou fort pour se comporter comme un monstre ». Hannah dénonce les décisions de conseils juifs, Judenräte, qui ont collaboré avec des nazis. Elle refuse le manichéisme et réfléchit avec nuance en remarquant qu' « on crée l'absurdité ». Elle, qui est partie du camp de Gurs en France pour trouver le paradis aux États-Unis, refuse de tout imputer à un seul homme. Elle admet « Je suis contente qu'il soit pendu » mais elle considère qu'Eichmann était un pantin et non un leader. Son livre sera interdit en Israël, elle maintient ses convictions : « Je n'ai jamais aimé un peuple. Je n'aime que mes amis. Pourquoi aimerais-je les Juifs » ». Hannah a été victime d'insultes, de menaces, d'accusations. Après avoir bien établi tout le contexte par plusieurs scènes, personnages et conversations, van Trotta fait contrepoids avec une seule scène finale, un discours de 8 minutes pendant lesquelles Hannah s'adresse à ses élèves. Encore aujourd'hui la controverse reste entière. « Le plus grand mal du monde est accompli par des insignifiants ». Hannah Arendt a craint l'expulsion des États-Unis. Des reproches qu'on lui faisait, elle a dit : « Ce n'est pas un argument mais une diffamation ». Margarethe von Trotta a réussi un pari audacieux celui de refléter une pensée, une réflexion, une ouverture d'esprit. Lors de certaines scènes l'action se résume à cadrer Hannah absorbée dans ses pensées. J'introduis ici une citation de mon univers personnel : mon père m'avait déjà dit « Si on pouvait voir la beauté de l'esprit humain il n'y aurait plus jamais de guerre ». Margarethe von Trotta avec son film Hannah Arendt a voulu montrer la beauté de l'esprit humain telle qu'une femme l'a incarnée. Après les zombies de World War Z qui métaphorisent le mal étudié par Hannah Arendt, un film québécois rappelle les considérations amoureuses dont Laclos traitait dans son roman épistolaire de 1782. Sarah habite à Sorel, au Québec, et veut quitter pour Montréal afin d'étudier en faisant partie d'équipe universitaire, la McGill Athletics Team. Antoine, un copain, propose d'être son coloc puis d'être son mari afin d'obtenir un plus gros montant du programme des Prêtes et bourses pour étudiants. La réalisatrice Chloé Robichaud dans Sarah préfère la course établit les conversations qui constituent son lien de développement avec des cadrages inattendus. Dès le début de ce film au rythme lent, posé, le temps des conversations entre Sarah et sa mère, Sarah et sa collègue, se déroule pendant un cadrage des pieds des protagonistes. La réalisatrice filme ses personnages de dos, elle cadre leur reflet dans le pare-brise du véhicule, cadre les pieds portant des bas sur le tapis, les pieds quand elle arrive chez une collègue, les nuques des filles qui prennent leur douche. Sarah, personnage très intériorisé, communique peu alors qu'Antoine est très expansif. Sarah est passionnée par la course : « « Chu fière quand je bats mes temps et que je gagne mes courses », « Le seul mot qui me vient en tête c'est le mot course. C'est dur de trouver autre chose qui me fait le même effet » alors que pour Antoine : « J'aime être proche du monde ». Sarah préfère la course élabore la passion absolue d'une jeune fille pour la course et développe en parallèle la relation impossible avec le garçon amoureux d'elle et le rapprochement mère-fille qui se réalise quand elles sont séparées. Sarah déclare à sa mère : « Il y a du monde qui disent à leur mère j't'aime tous les jours. Ça veut pas dire que je le pense pas » celle-ci lui rétorquera : « J'ai hâte que tu sois mère Sarah. Tu vas comprendre ben des affaires. Tu vas te mettre à aimer pour deux ». Sarah n'est pas à l'abri des émotions qui, non exprimées directement, refluent à travers ses problèmes d'arythmie. Parfois, elle fait place à ce qu'elle ressent, ainsi, quand elle est encore sous le toit familial, après avoir demandé qu'on lui montre « comment on fait ça le lavage », le pragmatisme est suivi de l'émotion, elle pleure assise sur son lit où elle ne dormira plus. Pour appuyer l'importance de l'aspect financier, la réalisatrice précise qu'il en coûte 150$ pour le dépôt des serviettes et 250$ pour le physio. Quand Sarah pense à divorcer, la coach l'assure : « Si tu cours, l'argent va courir après toi ». Chloé Robichaud a aussi scénarisé le film. Elle introduit une définition de genre en le restreignant au rouge à lèvres pour les filles, et au ronflement, l'achat de rose et le rôle de pourvoyeur pour les garçons. Catégorisation passéiste certes, les enjeux qui développent les identités sexuelles et de genre sont beaucoup plus complexes. Pourquoi avoir choisi en contrepoint à l'histoire de Sarah celle de l'amour impossible d'Antoine lesté de considérations monétaires? Quand Sarah et Antoine vont divorcer, celui-ci l'assure qu'il va continuer à lui donner de l'argent. Non pour le libertinage, Antoine rappelle Valmont dans Les liaisons dangereuses (Stephens Frears) parce qu'il signe sa perte en devenant amoureux. Antoine et Valmont sont voués à assumer la discordance dans la peine. Le tragique dans ce roman de Choderlos de Laclos, adapté plusieurs fois à l'écran, réside dans l'inéluctable souffrance d'amour. Donc, personnage tragique, Antoine n'est pas aimé de celle qu'il aime et parce qu'il l'aime, il en est responsable et il assume cette responsabilité. La scène de Karaoké permet d'apprécier le talent de Jean-Sébastien Courchesne, absolu dans son interprétation, et celui de Geneviève Boivin-Roussy qui chante Un jour il viendra mon amour. Quant à Sophie Desmarais, elle interprète Sarah avec une assurance calme qu'elle sait alterner avec de soudaines vagues d'émotions. L'aspect secret de ce qu'elle ressent, de ce à quoi elle pourrait aspirer sentimentalement aurait pu être mieux développé. Parfois des films comportent un beau message mal ficelé, ce film est un bel emballage dont la dimension sémantique laisse à désirer. Sarah préfère la course affirme le talent original de réalisatrice de Chloé Robichaud et suggère son potentiel de scénariste qui gagnerait à s'ancrer dans de plus subtiles réalités. EN FESTIVALS Sortez vos agendas, tournez les pages du calendrier, les festivals se succèdent et parfois se chevauchent l'été et l'automne à Montréal. Notre brève saison estivale, inclut la 17e édition du Festival international de films Fantasia du 18 juillet au 6 août 2013. Des projections extérieures sont prévues sur la Place de la Paix, boulevard St-Laurent entre Sainte-Catherine et René-Lévesque. info :http://www .festivalfantasia.com La 23e édition du Festival Présence Autochtone aura lieu du 30 juillet au 5 août 2013. L'amour du territoire, le respect de la nature, s'expriment souvent dans les revendications et les œuvres dont témoignent les films réalisés par des artistes autochtones. Ils nous rappellent des valeurs essentielles. Ce festival s'ouvre avec une célébration de la poésie dans Paroles Amérikoises ; Pierre Bastien a filmé des poètes réunis à Ekuanitshit par Rita Mestokosho. Le 3e documentaire d'Eric Black et Frauke Sandig, Heart of Sky, Heart of Earth – Herz des Himmels, Herz der Erde expose la cosmovision maya actuelle sur les espaces naturels alors que le documentaire de Benjamin Greené Survival Prayer présente les Haidas des îles du Pacifique. On pourra aussi voir la première internationale du film Winter in the Blood d' Alex et Andrew J. Smith, d'après le premier roman de l'auteur blackfoot, James Welch. Dans ce film on retrouve David Morse qui joue dans World War Z. Aussi, en première mondiale, Mitchif d'André Gladu nous amènera dans l'Ouest canadien sur les traces de Louis Riel et Gabriel Dumont. Le Festival des Films du Monde (FFM) du 22 août au 2 septembre 2013 inclut dans sa programmation la première internationale du film La maison du pêcheur du réalisateur et scénariste Alain Chartrand. À Percé, en 1969, Paul, Jacques et Francis, des militants indépendantistes impressionnent Bernard, le fils d'un pêcheur gaspésien. L'année suivante, le groupe sera impliqué dans la Crise d'Octobre 70. Lors du Festival du Nouveau Cinéma, le FNC, du 9 au 20 octobre 2013 Chloé Robichaud de Sarah préfère la course réalisera un Carte blanche, un court film sur un sujet libre en HD d'une durée de 3 minutes. Pour la programmation :http://www.nouveaucinema.ca La 19e édition de Cinémania, le festival du film francophone, se déroulera du 7 au 17 novembre 2013. L'équipe peaufine la programmation après avoir assisté à la Berlinale, au Festival de Toronto et au Festival de Cannes. www.festivalcinemania.com La 16e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) se déroulera du 13 au 24 novembre 2013 www.ridm.qc.ca Mais, d'ici là, il est possible de voir chaque dernier jeudi du mois au cinéma Excentris à Montréal un documentaire contextualisé par une discussion via Skype avec le réalisateur telle qu'était programmée la projection de A world not ours réalisé par Mahdi Fleifel. Docville permet d'assister à des projections uniques ou précédant les sorties en salle, en festival ou de revoir des documentaires lors de ces soirées mensuelles qui favorisent les échanges. EN EXPOSITION Le cinéma a inspiré les créateurs des Mosaïcultures Internationales Montréal 2013 sous le thème Terre d'espérance. 50 œuvres de 20 pays sont installées au Jardin Botanique jusqu'au 29 septembre. On peut admirer Hachiko, chien fidèle (le numéro 10du parcours) L'évocation d'Hachiko le représente dans la gare de Shibuya près d'un rail de chemin de fer avec le panneau d'affichage de l'horaire des trains. L'animale de la race Akita Inu attendait chaque jour le professeur Hidesaburô Ueno de l'Université Impériale de Tokyo Après le décès du professeur à cause d'une hémorragie intracérébrale le 21 mai 1925 à l'université, pendant 10 ans le chien est resté quotidiennement à l'attendre. 2 films ont relaté ces faits qui lui ont valu son surnom « chien fidèle » : Hachiko Monogatari (Seikiiro Koyama, 1987) et Hatchi (Lasse Hallström, 2009). Devant l'évocation d'Hachiko, il est possible d'écrire un vœu sur une ema, une petite tablette votive. Dans la roseraie où s'épanouit l'opulente rose Ingrid Bergman en hommage à l'actrice, une majestueuse œuvre réunissant là encore sculpture et horticulture est intitulée L'homme qui plantait des arbres. Au numéro 6 du parcours, Élzéard Bouffier est représenté tel qu'il apparait dans le film d'animation de Frédéric Back réalisé en 1987. Après l'Oscar remporté pour le film Crac! (1981), éloge à la culture traditionnelle du Québec, Back a adapté le texte de Jean Giono. La mosaïculture de L'homme qui plantait des arbres apparait aussi dans le visuel publicitaire de l'événement. Lors de l'inauguration de l'exposition, Frédéric Back était présent. Des enfants, des adultes, se succédaient sans cesse pour lui parler. J'admets que bien qu'étant une femme de syntagmes axés sur la variété lexicale quand je me suis approchée de lui, je n'ai dit que 3 petites phrases. J'ai pris sa main, je l'ai embrassée et j'ai prononcé : « Je vous admire. Vous êtes un homme de la Paix. Un être d'exception ». Il m'a répondu : « La Terre est un Paradis si on en prend soin ». EN SOUVENIR Jean-Luc Godard vient de réaliser son premier film en 3D. Non seulement, peut-on spéculer sur ce que présentera en 3D un cinéaste qui a renouvelé les codes cinématographiques mais encore renchérit-il en intitulant le film en question : Adieu au langage . Il nous faut attendre jusqu'en 2014. Godard en 2001 avait réalisé Éloge de l'amour dans lequel il osait filmer des gens qui discutait de leurs réflexions. Il bouleversait chronologie, genre et ligne directrice narrative. Il a convié des critiques de cinéma pour des rôles. Il a utilisé le noir et blanc et des images aux couleurs saturées. Il a mêlé citations et interrogations. Ce cinéaste de la Nouvelle Vague , qui s'intéresse à plusieurs formes d'expression, a déclaré sa prédilection pour le cinéma : « Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d'autre chose. Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout ». |