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Chronique cinéma
juin 2012

 par Lucie Poirier, journaliste-analyste

Bonne Fête des Pères, géniteurs, adoptifs, représentés par le père substitut du film Save Saine et Sauve avec Jason Statham. Le cinéma nous propose la possibilité de vieillir en gardant une vie amoureuse, sexuelle, fantaisiste, avec Chewing Gum, nous livre les déclarations du visionnaire passionné Steve Jobs dans The lost interview et nous rappelle les analyses socio-politiques du documentaire La corporation. La section En souvenir, avec la réplique du mois, grâce à l'acteur Michel Bouquet, fait le lien entre la politique socialiste et le 65e Festival de Cannes.

EN ENTREVUE

Benoît Desjardins m'a dit avoir été doublement inspiré pour le scénario, la réalisation et le montage du court métrage de fiction Chewing Gum. «Je suis originaire du quartier Ville-Émard. Sur le boulevard Monk, je voyais plusieurs personnes âgées, seules, un peu tristes. Une fois chez-elle, une personne âgée peut avoir un vie surprenante».

Dans Chewing Gum, le film de Benoît, un couple de jeunes dans un autobus est observé par un vieux monsieur. Le garçon mâche un chewing-gum, la fille s'en développe un morceau. Le monsieur se rend dans un dépanneur, achète de la gomme à mâcher. Puis, se rend chez-lui. Il dit à sa femme  : «Ferme les yeux» et il dépose un carré de gomme dans sa bouche. Alors, ils s'embrassent et elle lui retire son chandail. Retour aux jeunes dans le bus qui s'embrassent.

Benoît précise le deuxième fait qui l'a inspiré  : «Le baiser avec de la gomme, j'ai déjà fait ça, jeune. Alors, je voulais faire le lien avec un souvenir de jeunesse. Je me suis dit  : C'est vrai, c'est le fun. Je pourrais réallumer la flamme et surprendre».

Le film Chewing gum de Benoît Desjardins présente l'intérêt d'une construction parallèle qui renchérit le rapport entre les deux couples et a le rare mérite de valoriser la sexualité des personnes âgées, non seulement leur tendresse, leur amour mais, fait exceptionnel, de montrer que leur vie sexuelle existe encore dans une activité ludique. Un film non seulement amusant mais, aussi réconfortant, au-delà de la nostalgie, il promeut le plaisir partagé, quelque soit l'âge. Bravo!

EN ANALYSE

Safe Saine et Sauve

«Tu sais que c'est toi qui m'a sauvé. Je te dois la vie. J'ai une dette envers toi.» Luke Wright interprété par Jason Statham, a déjà été le flic le plus implacable, celui qui a balancé des flics pourris qui lui en veulent et sont décidés à le tuer. Puis, il a battu un adversaire dans un combat truqué qu'il devait perdre. Sa femme enceinte a été tuée. Il est resté en vie pour souffrir du fait qu'il sera épié, que toute personne qui l'approchera sera tuée. Après la mort de la propriétaire de son appartement, il est sans-abri. Un vagabond lui parle dans un refuge, le lendemain matin, il est mort. Luke veut se suicider dans le métro lorsqu'il aperçoit une fillette, Mei, poursuivie par des Russes. Alors, sa vie change car il réagit en se précipitant pour sauver la gamine. Il s'agrippe au dernier wagon du métro souterrain-aérien dans une superbe séquence ensoleillée.

Film d'action de Boaz Yakin, avec d'incessants combats et de nombreuses cascades, Saine et Sauve s'intitule en anglais Safe afin de signifier le fait d'être sauve certes mais aussi le mot coffre -fort. À 12 ans, Mei est une enfant géniale qui mémorise des suites de chiffres dont celle d'une combinaison de coffre-fort. Un criminel, Chan, l'a kidnappée et obligée à calculer et mémoriser ses transactions illicites parce qu'il ne veut pas de traces électroniques de ses affaires.

L'histoire, ainsi que dans les films d'action, est rapidement dite car il importe de justifier les poursuites et les scènes d'arts martiaux. Le tournage a été de qualité. Certains montages sont elliptiques, les mouvements, incomplets; dans ce genre de films, on veut constater des prouesses physiques, pas les deviner. À remarquer  : le lancer de l'assiette blanche dans l'hôtel et la pirouette au-dessus de la table dans le restaurant russe.

Une composition de Beethoven et les efforts de 80 cascadeurs se sont ajoutés aux péripéties rapides du scénario qui s'achève par le constat  : «Chacun de nous a sauvé l'autre».

Actuellement, Jason Statham est en Bulgarie où il tourne la suite du film  : Les sacrifiés-The expendables dont le premier épisode a été analysé dans ma chronique cinéma de septembre 2010.

 

 

 

BANDES ANNONCES

FILMS TRAITÉS EN ANALYSE  :

FILMS RÉFÉRÉS AU COURS DE LA CHRONIQUE  :

  • Les sacrifiés-The expendables Sylvester Stallone , 2010
  • La commune (Paris, 1871) Peter Watkins, 2000
  • Manufacturing consent  : Noam Chomsky and the media Mark Achbar et Peter Wintonick, 1992
  • Le monde selon Monsanto Marie-Monique Robin, 2008
  • La folle entreprise sur les pas de Jeanne Mance Annabel Loyola, 2010
  • Le promeneur du Champ de Mars Robert Guédiguian, 2005
  • Renoir Gilles Bourdos, 2012

Steve Jobs The Lost Interview

À 10 ans, il avait son premier ordinateur. À 12 ans, il était engagé par Hewlett-Packard. Steve Jobs (1950-2011) a été un extraordinaire visionnaire de l'informatique parce qu'il était un créateur passionné. En 1995, Bob Cringely a rencontré Steve Jobs pour l'émission Triumph of the Nerds. Quelques extraits de l'entrevue furent diffusés à la télévision avant que la bobine avec la totalité de l'entrevue soit égarée entre Los Angeles et Londres. Puis, dans le garage du réalisateur Paul Sen, la cassette VHS a été retrouvée récemment et restaurée. Steve Jobs The Lost Interview nous révèle un homme hyper sympathique et d'un idéalisme romantique.

Quand il constatait la transformation de son intention, de son idée, de son projet, à travers le traitement par l'ordinateur, il était fasciné. Il a découvert que Captain Crunch faisait des appels interurbains avec un ordinateur; en trois semaines, il a construit la Blue Box pour téléphoner gratuitement. Pour lui, c'était un miracle. Il s'en est aussi amusé puisqu'il a téléphoné au Pape en prétendant être Henry Kissinger; il s'est esclaffé avant de lui parler.

À 21 ans, il connaissait le succès. Il a élaboré l'automatisation de la fabrication en Californie. Il savait le coût de ce qu'il construisait dans son garage mais avec l'ampleur de la compagnie officielle, il a perdu le contrôle des coûts.

Pendant l'entrevue, Steve Jobs dit toujours «We», nous, car il partage le mérite.

En 1985, il a quitté Apple et s'est senti détruit; il en souffrait beaucoup. Il avait engagé John Sculley et c'est à cause d'un conflit avec lui qu'il est parti. Depuis, il a considéré que Microsoft «It's McDonald»principalement en terme de créativité, des produits faits en série, ne résultant ni ne favorisant l'inventivité, la convivialité.

Steve Jobs a prévu que le Web (la toile, Internet) allait ouvrir d'extraordinaires possibilités par l'intermédiaire de l'ordinateur. Il parle incessamment de l'ordinateur avec respect, il l'a considéré comme un outil mais aussi comme une merveille, une preuve de l'évolution humaine. Selon lui, par leur contribution, les zoologistes, les musiciens, les artistes, ont été des créateurs scientifiques de l'informatique. Il se voyait comme un hippie et non comme un nerd. Des gens veulent être des poètes plutôt que des banquiers et c'est dans cet esprit qu'il a apprécié ses collaborateurs. Il a considéré l'informatique et l'ordinateur, ainsi qu'un artiste crée à partir d'un medium dont l'argile ou la peinture.

Effectivement, bien qu'il ait été un artiste plus qu'un homme d'affaires, un visionnaire plus qu'un planificateur, après l'interview donné à Bob Cringely en 1995, il a prouvé que ses qualités romantiques le servaient en marketing puisqu'il a donné un essor à une compagnie moribonde.

Ses conceptions maintenaient la dimension humaine dans le monde de l'informatique; il gardait un plaisir d'émulation procuré par l'ordinateur. Comme dans une relation, et non une servilité, l'homme et la machine repoussaient des limites dans un idéal d'accomplissement toujours plus élevé, toujours plus noble. Steve Jobs, un génie du 21e siècle.

The Corporation La corporation

Le Cinéma du Parc, situé à Montréal, a réitéré sa volonté d'émailler sa programmation de films dénonciateurs, revendicateurs, conscientisateurs. Les rets serrés imbriquant médias, corporations et politique sont mis en évidence dans des documentaires tels que The Corporation, réalisation canadienne de Jennifer Abbott, Mark Achbar et Joel Bakan mis à l'affiche par le Cinéma du Parc dans son horaire spécial pour souligner le mouvement international Occupy.

Initié le 15 mai 2011 sur la Place Puerta Del Sol, à Madrid, le mouvement Occupy s'est amplifié internationalement. Un an plus tard, en Israël et en Italie des manifestants expriment l'exaspération de la vie chère. À Londres, Francfort, Montréal, le mouvement Occupy a repris pour protester du fait que la dette privée des banques a été refilée au public, pour dénoncer qu'en Europe 5 millions de jeunes sont en chômage alors qu'en Grèce, où un plan d'austérité a été imposé, 21,7% de la population est sans emploi.

Au Canada, le gouvernement Harper a diminué le taux d'imposition des entreprises de 1,5% en janvier 2011 et de nouveau en janvier 2012, coupant ses revenus de 6 milliards par année, il verse 22 milliards annuellement au Ministère de la défense Nationale, construit de plus en plus de prisons et, pour économiser 1,7 milliard, il veut cesser les subventions au logement social. Au Québec, il ne se construit plus de HLM depuis 1994 alors que 260  000 ménages québécois ont besoin d'un logement à loyer déterminé selon leurs faibles revenus.

Peter Watkins a réalisé le film La commune pour relater les deux mois d'insurrection à Paris en 1871. Alors que le premier ministre du Québec passe des accords marchands basés sur les ressources naturelles, en brandissant un carré, rouge comme le drapeau symbolique de la Commune de Paris, les étudiants du Printemps Québécois ont compromis leur intégrité physique (éborgnement, fracture du crâne, fracture faciale) pour réclamer le gel des frais de scolarité et une gestion saine des institutions universitaires. Le désespoir des pauvres est empirique. «Les inégalités sociales de santé rendent malades et tuent» déclare la Docteure Marie-France Raynault. Pendant que les gargantuesques dépenses de Lise Thibault, Bev Oda et Claude Benoît soulèvent des questions, que la parité des octrois de contrats n'est toujours pas actualisée, les contribuables surendettés craignent les massives pertes d'emplois.

Le documentaire de Jennifer Abbott, Mark Achbar et Joel Bakan, relève d'abord que la société par actions (ou compagnie, ou multinationale) est une création artificielle. La corporation engloutit des profits au détriment des gens. L'obsession de faire des bénéfices, donc de s'orienter au–delà de la rentabilité, remonte, entre autres, en 1712, avec l'industrie pour l'extraction du charbon, pour inclure les récentes extractions de matières premières nécessaires aux microprocesseurs.

Aux États-unis, avec le 14e amendement, les droits humains ont été appliquées aux corporations; c'est ce qu'on appelle une personne morale avec des droits. Or, s'il y a absence de conscience morale, c'est bien dans le cas des corporations qui n'ont pas des partenaires sociaux mais des actionnaires dans une course aux bénéfices.

Noam Chomsky, intellectuel militant, intervient dans le documentaire pour relever que c'est une décision judiciaire et non une loi de la nature qui régit les corporations et leur permet de faire payer leurs factures par les autres, d'externaliser leurs coûts, et, au nom de l'immédiateté des profits, d'infliger des maux permanents, même fatals, aux êtres vivants, humains, animaux, végétaux.

Le documentaire montre l'exemple de l'industrie du vêtement  : un veston Liz Claiborne coûte 74 sous et est vendu 178$. Cathy Lee Gilford vend des vêtements fabriqués par des travailleuses de 13 ans. Sans scrupule, la corporation est indifférente à la misère humaine quand il s'agit d'utiliser des produits dangereux, de causer de la pollution, de laisser des déchets toxiques, d'avoir des enclaves de libre-échange.

Les pratiques malveillantes incluent les tests de DDT sur des femmes et des enfants au Japon. Le désintérêt criminel de la sécurité d'autrui a amené des épidémies de cancer, des malformations génétiques, l'expérimentation sur des animaux et la destruction des habitats humains, animaux, végétaux.

Pendant une surproduction de produits laitiers, la compagnie Monsanto impose une hormone, le rGBH, pour augmenter la sécrétion du lait par les vaches. L'équipe de tournage a rencontré le PDG de Nike qui, lui, n'a jamais vu une de ses usines où les travailleurs pauvres sont nombreux.

Au 14e siècle, les gens appartenaient à la terre. Avec les Tudor, la privatisation des terres, de l'eau, de l'air, a fait que les terrains communaux sont devenus privés. La tyrannie de la corporation est inattaquable. La compagnie AOL détient les droits de la chanson Happy Birthday. Elle voulait que l'équipe de tournage paie 10  000$ pour que des enfants aient le droit de chanter le refrain à l'écran. L'équipe a préféré investir dans les déplacements et les entrevues afin de mettre en évidence la manipulation des enfants pour en faire des harceleurs de leurs parents afin qu'ils leur achètent des produits. Les vendeurs jouent avec leur vulnérabilité. Des psychologues travaillent à la publicité pour les enfants.

Toute forme de publicité tend à créer ces consommateurs abrutis par une philosophie de la futilité. Elle vend un mode de vie de liberté, de choix, de personnalité, dans laquelle la corporation est inévitable. La canadienne Naomi Klein, auteure de No Logo , intervient elle aussi dans le documentaire pour dénoncer que des identités de marque sont créées.

De plus, maintenant, les organismes vivants peuvent être brevetés. L'identification d'un gène devient propriété intellectuelle. Quand des journalistes de Fox News ont voulu révéler les dangers du rGBH de Monsanto, approuvé par la FDA, Food and Drug Administration, la corporation a menacé de cesser d'acheter de la publicité. Monsanto a exigé 83 changements au reportage. Les journalistes ont affronté des procès durant des années.

En Bolivie, l'eau de pluie a été privatisée; il a été interdit de la recueillir. Les manifestations ont laissés des handicapés à vie, des morts. La corporation est le reflet narcissique des régimes totalitaires.

IBM et ses cartes perforées ont prospéré pendant la 2e guerre mondiale. IBM a obtenu l'exclusivité de fournir les cartes perforées pour gérer les camps de concentration. Les traitements des informations ont été l'objet d'un contrat avec le 3e Reich et IBM de New-York.

L'industrie et le gouvernement se concertent au point où le capitalisme est devenu plus fort que la politique. Les corporations sont dans les écoles, les logements, Pfizer a même subventionné des habitations pour s'implanter dans une localité.

PDG de Interface Inc., commerçant avec 110 pays, Ray Anderson a révolutionné la mentalité corporative en déclarant  : «Ce que je pille, ne m'appartient pas». Il a écrit des livres réédités et a inspiré des documentaristes. Il en avait assez de faire partie des pillards de la Terre et il a voulu favoriser l'énergie renouvelable. Pour Time, il a été l'un des Heroes of the Environnement. (Il est décédé en 2011.)

Le comportement de la corporation correspond à celui d'un psychopathe qui dénie l'existence de l'autre.

L'argument financier a mené la planète à une situation de crise; toutes les causes sociales ont leurs martyrs. Les revendications citoyennes expriment l'exaspération devant les inégalités dans des films tels que The corporation de Jennifer Abbott, Mark Achbar et Joel Bakan , Manufacturing consent  : Noam Chomsky and the media de Mark Achbar et Peter Wintonick, Le monde selon Monsanto de Marie -Monique Robin qui a osé véhiculer le fait que 90% des OGM cultivés dans le monde sont des OGM de Monsanto. Ces documentaires diffusent une information indispensable à un idéal d'amélioration des conditions de vie pour tout ce qui existe.

EN RECONNAISSANCE

La ville de Montréal a décidé de reconnaître officiellement la participation de Jeanne Mance à la fondation de la ville en 1642. La réalisatrice Annabel Loyola, comme la fondatrice Jeanne Mance, est née à Langres, en France, et, à des siècles d'intervalle, a, elle aussi choisi de s'établir à Montréal où elle a consacré un film à sa prédécesseure.

Dans ma chronique de juillet-août 2011, j'ai assuré l'analyse du documentaire La folle entreprise sur les pas de Jeanne Mance d'Annabel Loyola. Certes, Jeanne Mance a fait construire le 1er bâtiment extérieur au fort près du fleuve Saint-Laurent mais elle a aussi assuré la fondation et l'essor de Ville-Marie. Elle s'est occupée des finances et de l'économie; elle a convaincu Maisonneuve d'aller chercher des colons en lui donnant l'argent qu'elle avait.

Annabel Loyola demandait dans son documentaire  : «Combien de métropoles dans le monde pourraient s'enorgueillir d'avoir une femme pour fondatrice?» Historien et président de l'Association Langres-Montréal , Jean-Paul Pizelle a renchérit  : «Parce que c'était une femme, on ne lui connaissait que la création de l'Hôtel-Dieu, alors qu'elle a eu un rôle majeur dans la fondation de Ville-Marie qui deviendra plus tard Montréal».

L'historien Jacques Lacoursière avait inspiré à Annabel Loyola le projet de son documentaire auquel la cinéaste a consacré 4 ans. En rédigeant un rapport, c'est aussi lui qui a favorisé la reconnaissance de la contribution de Jeanne Mance dans le cadre du 370e anniversaire de la fondation de Montréal.

EN SOUVENIR

«Mes chers compatriotes, je crois aux forces de l'esprit. Si l'argent ne produit que de l'argent, la lutte des classes sera plus violente que jamais». Paroles d'analyste, de visionnaire, d'érudit, d'homme politique; parole d'homme qui a mérité de marquer les gens et les temps.

D'après le livre Le dernier Mitterrand de Georges-Marc Benamou, qui a participé au scénario, le film Le promeneur du Champ de Mars, du producteur et réalisateur Robert Guédiguian, évoque la relation entre Antoine Moreau et François Mitterand, incarné par Michel Bouquet. L'émérite acteur vient d'interpréter Renoir, une réalisation de Gilles Bourdos dont on attend la sortie au Québec après la projection en clôture de la section Un certain regard au 65e Festival de Cannes.

Le président français se confie à un jeune auteur pour qu'il rédige ses mémoires. Le film nous présente un Mitterand âgé, vulnérable mais toujours convaincu, un esthète féru d'Histoire (il amène Antoine à Chartres pour lui faire voir les gisants) et de littérature (il lui cite Péguy, Valéry, Hugo), qui se souvient de De Gaule en disant qu'il a été «congédié par la bourgeoisie. Je suis le dernier des grands présidents . Le dernier dans la lignée de De Gaule. Après moi, il n'y aura plus que des financiers et des comptables».

Guédiguian a fait une très belle scène avec un mouvement de caméra vers la gauche pour montrer ses lectures sur son bureau dont Le grand Meaulnes et Belle du Seigneur pendant qu'il parle de son passé pour lequel on le traquait; cinquante ans après les faits, on rappelait qu'il avait été photographié avec Pétain et avec des résistants. On insistait aussi sur sa fille née hors mariage. Antoine rétorquait  : «Tout ça, c'est pas de la politique, c'est la vie privée».

Aussi, Guédiguian additionne les gros plans des travailleurs qui l'écoutent quand il rappelle la création de la 1e chambre syndicale des mineurs en 1884 et qu'il incite à servir la dignité humaine, la reconnaissance des droits sociaux parce que «notre famille, ce sont les ouvriers, les salariés, les gens qui peinent». Il a longtemps pensé que l'on pouvait transformer le monde, jusqu'aux impositions de l'âge, la maladie, la proximité de la mort, la mondialisation, l'Europe, l'effondrement des pays socialistes.

Il adorait les actrices, les femmes avec une vraie gravité. Ainsi que Lamartine, il a eu des maîtresses. Dont on a beaucoup parlé. Au détriment peut-être de ses appels  : «Laisserons-nous le monde se transformer en un marché global sans autre loi que celle du plus fort, sans autre objectif que la réalisation du maximum de profits en un minimum de temps? Un monde où la spéculation ruine en quelques heures le travail de millions d'hommes et de femmes? Allons-nous abandonner les générations futures à ces forces aveugles?

50 ans de vie politique avec des rêves pugnaces, des idées tenaces, des romantismes fugaces et des illusions acharnées, des hésitations repoussées, des affrontements obstinés. Même dans ses derniers instants, il exprimait une grande vitalité puisqu'il déclarait  : «Il faut mourir en disant oui à la vie».